• Extrait Chapitre 4

    Extrait... Chapitre 4

    (Victoire)

     

    Victoire est sortie du Centre, heureuse à la perspective de dîner avec son référent : elle ne serait pas seule et c’est ce qui comptait. Elle ne supportait plus sa solitude. D’habitude, à la nuit tombée, pour la tromper, elle, et les angoisses qui l’accompagnent, Victoire allait boire un verre, mais pas n’importe où. Elle allait au casino. Elle raffolait de l’ambiance des salles de jeux. Les lumières et le brouhaha de ces machines du diable l’envoûtaient. Elle baignait dans un mélange d’émerveillement et de sérénité. Puis un jour pour se distraire, elle a glissé son premier jeton dans une machine à sous, et la chance du débutant lui a accordé une somme démesurée. C’était fascinant. Elle avait trouvé là un divertissement rudement plaisant qui en plus lui permettait de gagner de l’argent facilement. Ensuite, elle a essayé la roulette, le poker. Elle a adoré. Les souvenirs affluaient. Les casinos et les salles de jeux : elle les connaissait sans nul doute.

    Parier était devenu sa thérapie, elle échappait à la réalité, c’était son espace de liberté et elle vivait des sensations qu’elle a pu percevoir lorsqu’elle était enfant avec son père. Cela l’apaisait et la soulageait.

    Mais tout a vite tourné et elle s’est retrouvée dans une impasse, prisonnière. Elle rêvait qu’elle allait empocher des sommes folles et qu’elle pourrait changer de vie alors elle misait de plus en plus gros. Les sensations prenaient des proportions telles qu’elle avait l’impression d’exister. Et elle visait un objectif en particulier : aller écouter Céline Dion à Las Vegas ! Réunir ces deux passions, Céline et le jeu, dans ce lieu mythique, lui donnait des ailes. Mais Victoire ne peut plus se passer du jeu. Son envie s’est transformée en besoin, le plaisir, en idée fixe. C’est si paradoxal. Et elle se dit en permanence :

    — Je me refais et j’arrête… je me refais et j’arrête… je me refais et j’arrête… 

    C’est la raison pour laquelle elle est encore plus seule aujourd’hui, tout le monde lui a tourné le dos parce qu’elle doit de l’argent à tout le monde, elle est endettée jusqu’au cou. Elle ne pense plus qu’à ça. Elle grogne si elle ne joue pas. Elle a beau dire qu’elle va se refaire, plus personne ne veut entendre parler d’elle, elle a tellement menti. Les seules relations amicales qu’elle avait, c’était au boulot. Et elle les a prises pour des imbéciles, elle les a manipulées dans le seul but d’obtenir d’elles ce qu’elle n’avait pas. Elle a perdu leur confiance et son travail aussi. Elle était serveuse dans un fast-food et elle se soumettait aux heures supplémentaires, sans compter. Cela l’arrangeait, elle dépannait si les collègues avaient besoin de jours. Mais voilà, elle a abusé d’eux, elle les a volés. La spirale infernale la happait : plus de travail, plus de revenus, plus de jeu. Et cette idée, elle ne l’envisageait pas. Elle avait conscience des complications, mais c’était plus fort qu’elle. Et bien entendu, la cerise sur le gâteau : elle était interdite de casino ! C’est pourquoi elle a mis beaucoup d’espoir dans le C. A. U. Elle était convaincue que le Maître allait pouvoir la sortir de ce cul-de-sac. Le Maître et Colette… Elle avait besoin d’eux, elle croyait au miracle plus que jamais !

    Comme convenu, elle est allée chercher Colette au Centre. Lorsqu’elle est arrivée, Colette était en train de fermer la porte. Elles étaient parfaitement synchronisées. Le dîner s’est déroulé admirablement. Elles ont parlé de tout et de rien, de l’intérêt de Victoire pour Céline et la chanson. Elle n’a rien dit de son autre passion. Colette, quant à elle, s’est confiée au sujet de sa fille, Anna. Elle ne la voyait plus depuis qu’elle s’était engagée pour le Centre d’Accueil Universel. Elle a aussi avoué que Victoire lui ressemblait :

    — Les mêmes cheveux roux, longs et ondulés. Et le plus troublant, ce sont les yeux, le même vert si intense… et puis… mais je te montrerai une photo. C’est frappant. 

    Elle était très émue à l’évocation de sa fille. Victoire n’a pas osé lui poser de questions. Elle espérait d’autres occasions, elle aimait bien Colette, sa présence la réconfortait. Et pourtant, alors que Victoire la raccompagnait et qu’elle prenait conscience qu’elle allait devoir se séparer d’elle, les symptômes du manque l’ont envahie : le monstre affamé était de retour. Tous les signaux de l’envie de jouer étincelaient en rouge. Victoire sentait l’irascibilité dévaler en elle. Quitter Colette et savoir qu’elle ne pourrait pas nourrir la bête lui montait à la tête. Elle était immergée dans un état second. Et c’était arrivé subitement. Le démon aux abois se rebellait et elle ne le maîtrisait pas.

    Colette est descendue de la voiture, elle logeait dans un deux-pièces attenant au Centre. Victoire pensait à cet argent qu’elle comptait devant elle un peu plus tôt. Elle la regardait s’éloigner. Tout à coup, Victoire s’est précipitée derrière Colette avant qu’elle ne referme la porte de son appartement :

    — Donnez-moi les clefs du Centre, ordonna-t-elle, je ne vous ferai pas de mal. Je veux la caisse. J’ai besoin d’argent. Je suis sûre que ce n’est pas un hasard si je suis là avec vous. Je ne veux pas vous faire de mal. Donnez-moi les clefs !

    — Victoire ! Mais... qu’est-ce qui se passe ?

    — Je peux battre le jeu, a-t-elle vociféré. J’ai du feeling, des méthodes. Mes expériences n’ont pas encore abouti, mais je le sens… je sens que je vais m’en sortir. Grâce à vous Colette… grâce au Centre, je vais pouvoir me libérer de mes dettes, me guérir, c’est le Maître qui me l’a dit. Donnez-moi cet argent !

    — Le jeu ? Mais de quoi parles-tu Victoire ?  

    — Le jeu : c’est le Diable Colette ! a-t-elle hurlé. C’est lui qui est entré en moi. J’ai compris grâce au Maître et aux prières, il n’y a pas de hasard, je peux me refaire. Vous êtes ma chance. Et comme ce serait rusé si vous veniez avec moi, vous êtes mon porte-bonheur, je l’ai su tout de suite en arrivant au Centre. Si vous restez près de moi, le Diable va détester, c’est sûr, je vous en supplie Colette, faites ça pour moi ! Et non seulement je vous rendrai l’argent, mais en plus je vous ferai un don ! C’est mieux qu’un investissement… la bonne étoile est là, maintenant, c’est aujourd’hui... venez ! Colette, je vous en prie. S’il vous plait !  

    Elle implorait Colette qui ne semblait pas vouloir se plier, elle était totalement pétrifiée. Elle regardait Victoire avec ses yeux tout ronds, elle ne comprenait rien. Elle l’a énervée, c’était pourtant simple. Pourquoi est-ce qu’elle y mettait autant de mauvaise volonté ? Toute la journée, on lui avait promis de l’aide et au moment où elle en avait le plus besoin : plus personne ! Victoire a été gentille. Elle a fait ce qu’on a exigé d’elle. Elle a même enfilé une toge si laide qu’elle se demande encore comment elle a fait ! Elle a chanté de tout son cœur une de ses chansons préférées, Colette semblait satisfaite puisqu’elle l’avait complimentée et assurée d’en parler au Maître, que ça pourrait même jouer en sa faveur. Elle était excédée et tellement déçue, Colette l’abandonnait. Victoire était affreusement contrariée… elle a saisi un cendrier, juste à côté d’elle. Il ne se trouvait pas là par hasard (...)

    Extrait Chapitre 4

     


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  • Commentaires

    1
    Anne-lise
    Samedi 11 Mars 2017 à 08:26

    je comprends maintenant ta première couverture ...en eeffet , elle est plus en lien avec l'histoire !! bravo pour tes mots ! bises et bon week end

    2
    Nadege Cosson
    Samedi 11 Mars 2017 à 10:02
    OUPS !!!... elle est bien prisonnière.... j'attends la suite avec impatience.... BISOUS
    3
    LN
    Samedi 11 Mars 2017 à 11:31

    Pas un mort au quatrième chapitre! Ça va être l´hécatombe ! J'attends de voir la suitemais j'espère que Coleete s'en sort!

      • Samedi 11 Mars 2017 à 12:25

        Ah j'adore ! J'espère aussi que Colette s'en sorte...c'est une femme formidable. 

    4
    Dimanche 12 Mars 2017 à 09:03

    ça donne vraiment envie d'en savoir plus

    merci

    5
    Zaza
    Dimanche 12 Mars 2017 à 15:48
    Bonjour Patricia Bravo! Waouh! Ça donne envie d'en savoir, évidemment plus.Tes mots sont  très clairs , j'aime beaucoup tes descriptifs qui en disent long sur ce que ce sont ces femmes. J'aime beaucoup, moi qui travaille sur les femmes. Dans mon  spectacle "Zaza et ses Elles" , j' improvise des femmes .. Et l'univers d'une femme prise au jeu du jeu ne m'avait pas encore était suggéré.. Merci Merci de tes publications 
      • Dimanche 12 Mars 2017 à 16:08

        Merci Zaza de partager ton ressenti. J'espère que ces femmes te plairont jusqu'au bout de l'histoire. 

    6
    Odin
    Lundi 13 Mars 2017 à 09:53

    Cette Victoire me parait un peu foldingo. Tiens bon Colette !

      • Mardi 14 Mars 2017 à 09:02

        Merci Odin ! Heureuse de vous retrouver sur le Blog !

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